Sujet : Entre deux clients, le coiffeur s'offre la tête des célébrités

Le coiffeur pour hommes de la rue de la République, à Wattignies, fabrique des petits personnages. Dans son petit « salon Alain », chaque jour, les clients se font coiffer sous le regard figé de plus de soixante-dix célébrités.

« Ici, c'est le musée Grévin en miniature. » On devine que monsieur est un habitué du salon : il ne prête plus aucune attention aux dizaines de paires d'yeux qui, devant la glace, entre les laques, le regardent se faire raser les cheveux indisciplinés de sa nuque. « Certains clients viennent pendant des années sans poser de questions, et puis un jour, d'un coup, ils me demandent pourquoi je les collectionne. Je réponds que ce n'est pas une collection, mais que je les fabrique. » Le coiffeur Alain Fisson ne coupe pas que les cheveux des messieurs, il taille le bois pour façonner des « têtes », comme il les appelle, auxquelles il donne les traits de célébrités, caricaturés ou pas, et un corps en décalage avec le personnage. En trente centimètres de haut, cela donne, par exemple, Gainsbourg en livrée rouge vif de groom, Bernard Lama en costume tyrolien, Rocard, Johnny, Brassens, Fernandel, et même Hitler « dont j'ai essayé de rendre les traits sympathiques mais sans réussir ».

Hommes politiques, chanteurs, acteurs... il en a déjà réalisés plus de soixante-dix, « entre deux clients ». En attendant que son prochain rendez-vous pousse la porte de son salon, il range les peignes et se penche sur son établi, caché à deux pas du bac à shampoing, dans ce salon pourtant étroit. « C'est plus pratique. Et puis comme ça, j'ai tout sur place. » Morceaux de bois - de toutes sortes, mais dur de préférence, son favori : le buis -, pour la tête, du fil de fer pour le squelette, du tissu, du cuir, du métal pour habiller ces corps avec un étonnant souci du détail. Rien ne manque, pas même la monture, fabriquée de toute pièce, où il juche certains de ses personnages. Il a aussi apporté un soin tout particulier à leurs cheveux, évidemment : des morceaux de laine implantés dans le bois (même chose pour la barbe) colorés selon sa fantaisie (« le bleu marine, je trouvais que ça allait bien à Hitler »), et longuement peignés. Les mains, en tissu aussi, ont été peintes couleur chair.

C'est à s'y méprendre.

Il estime à quinze jours, à raison de dix heures par jour, le temps qui lui est nécessaire pour fabriquer un personnage. Il dit qu'il « flashe sur une tête » repérée dans un magazine ou sur le net, et puis se lance.

Mister Bean est en préparation. Il viendra, d'ici quelques semaines, grossir le bataillon de ces étonnants personnages qui s'accumulent autour de la glace de son salon. Il n'en vend aucun. « Je ne fais pas ça pour les vendre, mais pour passer le temps. Parce que quand je fabrique une tête, je ne pense plus à rien, plus de souci. » Alors les rangs grossissent, selon sa fantaisie, ses « flash », mais jamais sur des têtes féminines. « Trop compliquées », sourit le coiffeur, en reprenant la coupe de son client.

Article d'ANNE-SOPHIE HACHE paru dans La Voix du Nord du 29.11.2009.

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