Sujet : "Mon papa, c’était Raimu": témoigne la dernière "fille du puisatier"
"Mon papa, c’était Raimu": à Toulon, la dernière "fille du puisatier" de Marcel Pagnol dévoile ses souvenirs
Il y a 84 ans, Roberte Arnaud jouait la plus jeune des six filles de Raimu dans le chef-d’œuvre de Pagnol. Elle évoque la gentillesse de son "papa de cinéma" et un coup de gueule de Fernandel.
C’est une histoire d’enfance où l’on croise Raimu qui rouspète, Fernandel qui rigole, un tram qui brinquebale, un joli vélo rouge et une soupe à la crème de marrons. C’est l’histoire de Roberte Genieys, une octogénaire toulonnaise qui a gardé le regard bleu canaille de la fillette qu’elle fut autrefois.
"J’étais la plus jeune des six filles du puisatier, commence-t-elle. Mon papa, c’était Raimu. Et ma grande sœur, la compagne de Marcel Pagnol, Josette Day!"
Au printemps 1940, dans le climat apocalyptique que l’on imagine, l’auteur de Marius peaufine le scénario de son prochain film à Saint-Cyr-sur-Mer. Devant la fenêtre de sa maison, sur la plage de la Madrague, une enfant de quatre ans joue au soleil. Le réalisateur s’approche: "Tu ne voudrais pas faire du cinéma?"
"Mes parents ont accepté parce que mon père, Georges Arnaud, connaissait Pagnol, explique Roberte. Il avait un grand commerce de meubles, rue de Rome à Marseille, et louait souvent du mobilier aux metteurs en scène."
Accompagnée de sa mère, la petite fille se retrouve bientôt dans les studios phocéens de la rue Jean-Mermoz, aux côtés des deux plus grandes stars de l’époque.
"Raimu râlait souvent, mais avec moi, il était très gentil, se souvient-elle. Il adorait les gosses. Nous devions jouer une scène où Josette Day me donnait à manger. La soupe avait attendu toute la journée dans l’assiette. Raimu a refusé qu’on me fasse avaler cette mixture; il l’a fait remplacer par de la crème de marrons."
Roberte n’a pas oublié un certain voyage en tram, sous les yeux éberlués des badauds, avec le comédien toulonnais inquiet parce que "la petite" était enrhumée. Elle se souvient aussi de ce jour où son papa de cinéma, en toute simplicité, est venu dîner à la maison: "En ce temps-là, on ne faisait pas de chichis."
La retraitée évoque également Fernandel avec tendresse. "Un jour, il a poussé un coup de gueule contre le maquilleur qui me faisait bisquer en menaçant de me mettre de fausses moustaches."
Après le clap de fin, en récompense, la fillette reçoit un vélo rouge "avec des petites roues".
L’année suivante, Roberte tourne La Neige sur les pas aux côtés de Pierre Blanchar. La presse spécialisée s’extasie sur "la plus jeune étoile française". On la compare à l'enfant star Shirley Temple. Ce sera pourtant son dernier rôle.
"Papa n’a pas voulu que je continue, balaye-t-elle. Le milieu du cinéma avait mauvaise réputation; il ne voulait pas que je grandisse là-dedans. Mon grand-oncle, qui était curé, disait pis que pendre sur ces ‘‘débauchés’’! A l’adolescence, bien sûr, je l’ai regretté. Et puis, à vingt ans, j’ai quitté Marseille pour suivre mon mari à Toulon. Une autre vie commençait…"
De cette parenthèse enchantée, elle a gardé quelques photos écornées. Des images jaunies, en noir et blanc, qui chavirent toujours le cœur de ses trois filles et de ses huit petits-enfants.
Article de Lionel Paoli, publié dans Nice-Matin le 24/07/2024.
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